L’ironie : définition, procédés et exemples de textes

L’ironie est une des manifestations les plus saillantes de ce que l’on a coutume d’appeler l’esprit français. Elle résulte cependant de procédés complexes. Lisez notre article sur l'ironie pour en savoir plus.

Exemples de textes ironiques

Comment savoir si un texte est ironique

Un texte est ironique lorsque l’auteur dit le contraire de ce qu’il veut faire entendre au lecteur.

Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un fanatique novice qui donne de grandes espérances : il pourra bientôt tuer pour l’amour de Dieu. (Voltaire, Dictionnaire philosophique, « Fanatisme »)

Il est bien évident qu’ici, Voltaire n’attend pas que le lecteur se réjouisse, mais s’inquiète au contraire de ce que des hommes soient prêts à tuer pour l’amour de Dieu.

Quels sont les procédés de l’ironie ?

Il faut guetter :

L’antiphrase

C’est le procédé ironique le plus voyant, celui où le locuteur dit manifestement le contraire de ce qu’il veut faire entendre au lecteur.

On peut citer La Bruyère dénonçant la torture : La question est une invention merveilleuse et tout à fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion faible, et sauver un coupable qui est né robuste. (Les Caractères, « De quelques usages », 51)

L’hyperbole et la litote

L’un des indices de l’ironie peut être l’exagération.
Il prouvait admirablement qu’il n’y a pas d’effet sans cause et que, dans le meilleur des mondes possibles, le château de Thunder-ten-Tronkh était le plus beau château et madame le baronne la meilleure des baronnes possibles. (Voltaire, Candide)

Ou, au contraire, la litote : On ne peut pas dire que Joe Biden soit un grand environnementaliste, écrit le chercheur François Gemenne dans L’Express du 8 novembre 2020, pour faire entendre que le nouveau président se désintéresse de l’écologie.

La discordance

L’ironie peut aussi reposer sur l’impression de décalage.

Comme dans Bouvard et Pécuchet de Flaubert, où les deux personnages préparent pendant des semaines un grand dîner pour exhiber leur jardin, et qu’ils se rendent compte, ledit soir, qu’ils n’ont aucun talent pour le paysagisme :

C’était, dans le crépuscule, quelque chose d’effrayant. Le rocher, comme une montagne, occupait le gazon, le tombeau faisait un cube au milieu des épinards, le pont vénitien un accent circonflexe par-dessus les haricots, et la cabane, au delà, une grande tache noire, car ils avaient incendié son toit de paille pour la rendre plus poétique.

La citation

L’ironie réside dans la reprise de présupposés de l’interlocuteur. Le locuteur feint de rentrer dans le monde de l’adversaire, allant parfois jusqu’à le citer.

Je suis certain ; j’ai des amis ; ma fortune est sûre ; mes parents ne m’abandonneront jamais ; on me rendra justice ; mon ouvrage est bon, il sera bien reçu ; on me doit, on me payera ; mon amant sera fidèle, il l’a juré ; le ministre m’avancera, il l’a promis en passant : toutes paroles qu’un homme qui a un peu vécu raye de son dictionnaire. (Voltaire, Dictionnaire philosophique , « Certain, certitude »)

La ponctuation et la typographie

Les guillemets, points de suspension, d’exclamation, et autres italiques doivent rendre le lecteur attentif à ce que le récit comporte de suspect.

Mais maintenant je trouvais quelque chose de choquant dans cette attitude de Swann en face des choses. Il avait l’air de ne pas oser avoir une opinion… (Proust, À la recherche du temps perdu)

Le péritexte (titre, incipit, clausule…)

La méthode Castex reconfine au génie !

Ici, ce titre du Canard enchaîné du 4 novembre 2020, avec son jeu de mots, invite à lire le fond des articles avec distance : il y aura sans doute de l’ironie à déceler…

Comment mettre de l’ironie dans un texte ?

Celui qui ironise adopte, par essence, une posture de supériorité par rapport à sa cible.

Il s’agit de considérer la personne ou le groupe incriminé (qui peut être l’auteur lui-même !) sans faire appel à l’affect, afin de pouvoir faire émerger ce qu’il y a de risible ou d’absurde dans leur mode de pensée, leur comportement, ou même dans leur vie.

En tout état de cause, la situation d’énonciation est la suivante :

Comment distinguer texte satirique et texte ironique ?

L’ironie est un des nombreux procédés de la satire, au même titre que la caricature ou la parodie. Pour être satirique, l’ironie doit viser un individu ou une catégorie de population bien identifiables, dont il s’agira de moquer les travers (comme dans les Caractères de La Bruyère).

Comment distinguer texte polémique et texte ironique ?

Le texte polémique attaque une personne ou une idée. L’ironie fait partie de ses armes, au même titre que l’invective ou l’apostrophe au lecteur. Elle est, encore une fois, un procédé au service de l’argumentation.

Pourquoi utiliser l’ironie ?

L’avantage de l’ironie est que non seulement elle agresse un tiers, mais elle le met dans l’embarras car il a toujours une chance d’avoir fait un contre-sens…
On ne peut pas contester un énoncé tant qu’il n’est pas exprimé ! On ne contredit pas l’implicite...

Les fonctions de l’ironie

L’ironie a trois principales fonctions :

Comment distinguer l’ironie du sarcasme ?

Le sarcasme est une des formes que peut prendre l’ironie. Mais elle est alors empreinte de méchanceté.

Pierre est très cultivé. Il a même entendu parler de Molière !

Comment distinguer humour et ironie ?

Il ne s’agit pas d’une différence de procédés, mais d’une différence de posture.
Celui qui ironise se met dans une position de supériorité par rapport à sa cible, tandis que celui qui fait de l’humour pratique l’auto-dérision et traite d’égal à égal avec son auditoire. L’humour rassemble, l’ironie sépare.

Sources théoriques :
  • Philippe Hamon, L’ironie littéraire
  • Denis Bertrand, “Ironie et modulations de la négativité”
  • Catherine Kerbrat-Orrechioni, “L’ironie”, in Travaux du centre de recherches linguistiques et sémiologiques de Lyon