La satire : définition, procédés et exemples de textes

La satire désigne à la fois un genre littéraire codifié et daté (dont les Satires de Boileau sont l’exemple français le plus célèbre), et un mode énonciatif spécifique, que l’on retrouve surtout aujourd’hui dans la presse et les médias. Voir notre article sur la satire

Qu’est-ce qu’un texte satirique ?

Un texte satirique est un texte dont le but premier est de prendre pour cible un individu, un groupe, des valeurs ou des thèmes à première vue respectables, et de les rabaisser en en dévoilant les travers. Contrairement à l’invective et au pamphlet, cependant, elle témoigne le plus souvent d’une intention réformatrice de la part de l’auteur.

Pour identifier la cible de l’auteur, un éclairage historique ou biographique est parfois nécessaire. En effet, pour comprendre le texte et pour l’apprécier, le lecteur doit adhérer au même système de valeurs que son auteur, or celui-ci reste implicite.
Il peut s’agir de valeurs morales autant qu’intellectuelles. Voir par exemple Un repas entre pensionnaires - Le Père Goriot, Balzac.

Genre satirique ou registre satirique ?

À l’origine, la satire était un genre littéraire à part entière. Apparu dans l’Antiquité avec les Cyniques, et notamment Ménippe, il consistait à détourner des vers connus de la littérature héroïque, en les mélangeant avec des dialogues, anecdotes et autres saynètes. Horace, sur une tonalité enjouée, puis Juvénal dans un style plus cruel, perpétuent le genre.
Il retrouvera ses lettres de noblesse en France au XVIIe siècle avec Mathurin Régnier (1608) puis Boileau (1666).

La satire peut s’attaquer à tout objet : on ne peut donc la définir par son contenu.

Du point de vue de la forme, on peut seulement dire qu’elle est versifiée.

Elle se caractérise par sa finalité éthique : il s’agit de défendre les valeurs de justice, de vérité et surtout de raison, en attaquant les comportements déviants ou ridicules.

Le genre tombe en désuétude au XVIIIe car il n’est plus question pour la littérature de faire œuvre de misanthropie. Elle doit au contraire élever les âmes vers la vertu et la raison. Mais si le genre disparaît, l’esprit, lui, se diffuse…

On le trouve en Angleterre chez Swift, Defoe ou Fielding, mais aussi en France, de Voltaire à Flaubert, en passant par Stendhal.

Quel est le but de la satire ?

a) Vexer sans corriger

Selon Swift, la satire a pour but de « vexer les coquins, sans espérer les corriger ». (Thoughts on diverse subject, moral and diverting, 1886). Il s’agit de susciter la honte des personnes visées plutôt que de moraliser le lecteur.

b) Encourager une prise de position

Voltaire fait de la satire un usage plus martial : elle doit pousser le lecteur à l’action. Le Traité sur la tolérance en est une vaste illustration.

c) Inciter au renouvellement des formes

Le romantisme transforme l’esprit satirique, en lui apportant une dimension réflexive. Les poètes romantiques, raillés, n’hésitent pas à rire d’eux-mêmes pour se défendre, mais aussi pour se réinventer. Dans ce contexte, la parodie n’est plus seulement moquerie : elle révèle aussi une admiration certaine. On peut penser à l’ambiguïté de l’« Heautontimoroumenos » de Baudelaire ou des Amours jaunes de Corbière, mais aussi aux « Oiseaux » de Victor Hugo ou à sa « Réponse à un acte d’accusation », dans lesquels les attaques sont vues comme injustes autant que régénératrices.

d) Soulager les tensions de la société

Le but ultime de la satire semble cependant avoir été mis au jour par Sophie Duval et J.-P. Saïdah. Selon ces chercheurs, il s’agit avant tout d’un espace de défoulement, dans lequel l’agressivité s’exerce pour le plaisir. « On n’en attend le plus souvent rien d’autre que la satisfaction de dénigrer sur un mode récréatif. »

Comment reconnaître un texte satirique ? – Les procédés de la satire

a) L’attitude satirique : définition

Selon les chercheurs Sophie Duval et J.-P. Saïdah, le mode satirique se définit par la coexistence de trois éléments :

b) L’hyperbole

Elle constitue le trait le plus saillant de l’esprit satirique. Pour que la critique soit efficace et fasse naître en même temps le plaisir, les cibles doivent être dépourvues de nuances, et figées dans des postures. De même, les avis doivent être tranchés.
Prenons le fragment 172 des Pensées de Pascal : « Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir. Nous ne pensons point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. »
Les mots « chacun », « toutes », « point », « jamais », par leur caractère absolu, révèlent le besoin de gommer les nuances pour que la critique porte.

c) La caricature

Elle constitue une forme d’hyperbole, en ce qu’elle dresse un portrait outré des personnages ou des situations évoquées. Elle isole et exagère un ou plusieurs traits, que ce soit du physique ou de la personnalité.
Le dessin de presse est un réservoir de caricatures, bien sûr, mais la littérature n’est pas en reste : La Bruyère, dans ses Caractères, dresse ainsi des portraits au vitriol de ses contemporains. Voir La Bruyère - Giton et Phédon

d) L’antiphrase

Les auteurs satiriques prennent parfois le parti de rédiger de vrais morceaux de bravoure dans lesquels, tout au long d’un texte, ils prétendent adopter la position de leurs adversaires.
C’est le cas de Montesquieu dans son célèbre « De l’esclavage des nègres ». Cette posture équivoque vaudra à Jonathan Swift de nombreux emprisonnements…

e) L’ironie

Voir notre article sur l'ironie

f) La parodie et le pastiche

La critique passe par l’imitation.
La connivence avec le lecteur passe en effet par la (re)connaissance commune de la cible visée.

Comment distinguer texte satirique et texte polémique ?

Le texte satirique semble à première vue moins agressif que le texte polémique, en ce qu’il se présente sous une forme joyeuse. Il n’en est pourtant rien.
En effet, dans le texte polémique, le locuteur fait une grande place à la thèse adverse : qu’il s’agisse de lui accorder des concessions ou de la réfuter, elle apparaît en tout cas comme référence.
Le satiriste, lui, ne laisse aucune place à la discussion. Il met en œuvre une rhétorique du mépris et du rabaissement, aussi drôle qu’implacable.
La condition est évidemment que le lecteur partage ses idées et ses valeurs. Comme le dit le dessinateur René Pétillon, « Un dessin très réussi, inspiré, n’est pas celui qui dit aux gens ce qu’ils vont penser mais qui résume de façon humoristique ce qu’ils pensent déjà. »
La satire n’est pas là pour convaincre mais pour conforter.

Sources théoriques :