Pas de vie sur Vénus

Dans cet article consacré à une potentielle vie sur Vénus, le journaliste fait la synthèse des différentes hypothèses formulées par les scientifiques concernant la détection de phosphine dans les nuages de Vénus. C'est sur un ton désabusé qu'il conclut à l'absence de réelle avancée.

Les indices d’une éventuelle vie sur Vénus s’effacent

La présence de phosphine dans l’atmosphère de la planète, gaz dont les molécules pourraient être créées par des organismes vivants, est contredite par des articles parus ou prépubliés.

Ainsi va la science. Un jour une équipe de chercheurs annonce un résultat étonnant. Leurs collègues se mettent en branle et le contestent, le défendent mais surtout tentent de le confirmer. Quelques semaines plus tard, de nouveaux travaux arrivent et… dégonflent l’enthousiasme initial.

C’est ce qui arrive avec l’histoire de la présence dans les nuages de la planète Vénus d’un gaz inattendu, la phosphine, de formule PH3 (un atome de phosphore, trois atomes d’hydrogène). Cette annonce faite le 14 septembre dans Nature Astronomy par une équipe internationale menée par Jane Greaves, de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), avait de quoi intriguer. Après élimination des scénarios physico-chimiques habituels pour en expliquer l’origine, l’hypothèse restante revenait à considérer que ces molécules pourraient être créées par des organismes vivants. Bref, ce serait l’indice d’une vie extraterrestre.

Mais très vite, avant de s’emparer de cette extraordinaire conclusion, beaucoup de chercheurs ont douté de la présence même de phosphine. Deux articles, l’un publié, l’autre en cours d’évaluation, viennent de confirmer ces doutes. Le premier article est cosigné par… Jane Greaves elle-même (et deux autres des coauteurs de septembre). Accepté pour publication dans Astronomy & Astrophysics (A & A) le 14 octobre, il estime qu’il y aurait quatre fois moins de phosphine qu’annoncé dans l’article initial. Et il ne s’agit là que d’un maximum théorique car, en fait, rien n’a été détecté. L’article de septembre avait repéré la phosphine grâce aux ondes radio captées par deux télescopes.

Signaux surestimés

Ce nouvel article s’intéresse aux longueurs d’ondes infrarouges. Thérèse Encrenaz, de l’Observatoire de Paris, coautrice de l’article, avait, il y a plusieurs mois, regardé comment identifier la phosphine dans cette partie du spectre électromagnétique car il était prévu, avec Jane Greaves, des observations sur l’instrument Texes, au printemps, à Mauna Kea (Hawaï). Mais l’épidémie de Covid-19 a annulé l’opération. La Française et ses collègues ont donc analysé de « vieilles » données de mars 2015 en infrarouge pour voir si la phosphine s’y trouvait. Sans rien trouver.

« Cela reste compatible avec nos mesures, estime Jane Greaves. Soit la concentration en phosphine change au cours du temps et elle aurait pu ne pas être là lors des mesures en infrarouge. Soit la phosphine se trouve dans une fine couche de l’atmosphère que seules les ondes radio peuvent voir. » En effet, les deux types de rayonnement ne sondent pas les mêmes altitudes. Les ondes radio permettent d’observer des couches à 80 kilomètres d’altitude, quand c’est plutôt 60 kilomètres pour les infrarouges. « Ces résultats me rendent plus sceptique sur la présence de phosphine », estime Thérèse Encrenaz. Même si la chimie et la circulation atmosphérique de Vénus restent encore mystérieuses, des scénarios autorisant l’existence de ce « réservoir » de phosphine en altitude semblent toutefois très improbables.

Plus « dur » est l’argument d’une équipe de spécialistes des ondes radio des universités d’Amsterdam, Groningen et Leiden (Pays-Bas). Le sous-titre de leur prépublication soumise pour publication à A & A est sans ambiguïté : « Pas de détection significative de phosphine. » Leur logique est aussi imparable. Ils ont pris les mêmes données et les mêmes outils d’analyse que l’équipe de Jane Greaves, mais concluent que le traitement des données conduit à surestimer des signaux, voire à créer des artefacts, c’est-à-dire des « faux positifs ». Ils qualifient donc d’« incorrecte » la procédure suivie dans l’article original de septembre. Pire, en appliquant, selon eux, une meilleure méthode d’analyse, la signature de la phosphine n’est plus visible. L’équipe a prévenu qu’elle ne commenterait pas son travail avant sa publication et Jane Greaves n’a pas souhaité répondre tant que l’article n’est pas publié. Selon nos informations, d’autres équipes de radioastronomes, dès le début très sceptiques sur la méthode employée, s’apprêteraient aussi à publier leurs analyses. A défaut de phosphine, les nuages gris s’accumulent sur Vénus.

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Résumé

Le journaliste rappelle, pour commencer, à quel point la vie scientifique est rythmée par des découvertes aussitôt démenties. En septembre 2020, un gaz, la phosphine, est identifié dans les nuages de Vénus, or la seule hypothèse pour expliquer leur existence est celle d'une vie extraterrestre. C'est finalement la présence de phosphine elle-même qui est remise en question. Une équipe de scientifiques accuse même les tenants d'une vie sur Vénus d'avoir surestimé les signaux.
Œuvre : le 23 octobre 2020 à 13h14
Auteur : David Larousserie
Parution : 2020
Siècle : XXIe

Thèmes

science, astronomie, vie extraterrestre, Vénus, astrophysique, querelles scientifiques

Notions littéraires

Narration : Sans objet
Focalisation : Sans objet
Genre : Article
Registre : Didactique, Ironique
Notions : discours rapporté, modalisateurs, connecteurs, valeurs du conditionnel

Entrées des programmes

  • 4e - Agir sur le monde : informer, s’informer, déformer ? - textes et documents issus de la presse et des médias
  • 3e - Questionnement complémentaire : progrès et rêves scientifiques - texte issu de la presse et des médias
  • 2nde - La littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle

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Le registre ironique

Un texte est ironique lorsque l’auteur dit le contraire de ce qu’il veut faire entendre au lecteur. Lisez notre article sur l'ironie.