Quitter Twitter ?

Dans cette chronique parue en 2022, Xavier de La Porte parodie la prose anthropologique pour faire la satire des pratiques contemporaines sur les réseaux sociaux. L'adoption d'un regard naïf, dans la lignée de "Candide" ou des "Lettres persanes", et le mélange d'un lexique antique et d'un lexique contemporain, donnent toute sa saveur à la chronique.

Au début du XXIe siècle, nos ancêtres avaient créé une nouvelle agora, qu'ils appelaient "Twitter". Celle-ci avait l'avantage - par rapport au monde archaïque proposé par les Grecs - de permettre l'expression simultanée d'un nombre considérable de gens éparpillés dans le monde entier. Par ailleurs, le fait de passer par l'écrit les libérait de contraintes épuisantes comme devoir être présents physiquement, parler très fort pour se faire entendre, ou faire silence pour écouter le locuteur. Bref, il semble que nos aïeux aient vu en Twitter la promesse d'un renouvellement démocratique (à l'époque, on pensait que longuement débattre de tout, et, face au temps que cela prenait, choisir des représentants payés pour le faire, était la panacée des systèmes politiques...)

Mais, assez vite, on a observé une pratique : quitter Twitter. Les archives montrent bien que ce geste-car il s'agissait maintenant d'un geste tout sauf anecdotique - - était effectué avec force spectacularisation. Un ancêtre annonçait en grande pompe qu'il allait «quitter Twitter » (en général cette contradiction n'étouffait pas nos aïeux), la nouvelle se propageait largement et vite dans l'agora. Les statistiques nous ont révélé que bien souvent, le message annonçant le départ de quelqu'un était celui qui avait suscité le plus grand intérêt dans sa production, ce qui est un autre paradoxe...

Parfois elle était fêtée et faisait même l’objet de commentaires hors de l’agora, dans ce qu’il restait encore de ce qu’on appelait la « presse mainstream ». Il s’agit là d’une pratique dont nous avons encore peine à comprendre pourquoi elle revêtait une telle puissance symbolique - il nous semble que commenter l’entrée de quelqu’un dans l’agora, plutôt que son départ, aurait été plus logique -, d’autant que, bien souvent, quelques mois plus tard, l’ancêtre parti avec fracas, revenait discrètement prendre sa place.

Œuvre : L'Obs n°3010
Auteur : Xavier de la Porte
Parution : 2022
Siècle : XXIe

Thèmes

réseaux sociaux, Twitter, anthropologie

Notions littéraires

Narration : Sans objet
Focalisation : Sans objet
Genre : Chronique
Dominante : Argumentatif
Registre : Ironique, Scientifique, Satirique
Notions : valeurs du présent, argumentation indirecte, ironie, antiphrase, parodie, regard naïf

Entrées des programmes

  • 4e - Agir sur le monde : informer, s’informer, déformer ? - textes et documents issus de la presse et des médias
  • 3e - Vivre en société, participer à la société : dénoncer les travers de la société

Les figures de style et procédés d'écriture

  • Une paronomase
  • Une paronomase

Approfondir les notions littéraires présentes dans ce texte

Le registre ironique

Un texte est ironique lorsque l’auteur dit le contraire de ce qu’il veut faire entendre au lecteur. Lisez notre article sur l'ironie.

Le registre satirique

Un texte satirique est un texte dont le but premier est de prendre pour cible un individu, un groupe, des valeurs ou des thèmes à première vue respectables, et de les rabaisser en en dévoilant les travers. Lisez notre article sur le registre satirique.

Textes et œuvres en prolongement

"Candide", "Les Lettres Persanes"