Au début du XXIe siècle, nos ancêtres avaient créé une nouvelle agora, qu'ils appelaient "Twitter". Celle-ci avait l'avantage - par rapport au monde archaïque proposé par les Grecs - de permettre l'expression simultanée d'un nombre considérable de gens éparpillés dans le monde entier. Par ailleurs, le fait de passer par l'écrit les libérait de contraintes épuisantes comme devoir être présents physiquement, parler très fort pour se faire entendre, ou faire silence pour écouter le locuteur. Bref, il semble que nos aïeux aient vu en Twitter la promesse d'un renouvellement démocratique (à l'époque, on pensait que longuement débattre de tout, et, face au temps que cela prenait, choisir des représentants payés pour le faire, était la panacée des systèmes politiques...)
Mais, assez vite, on a observé une pratique : quitter Twitter. Les archives montrent bien que ce geste-car il s'agissait maintenant d'un geste tout sauf anecdotique - - était effectué avec force spectacularisation. Un ancêtre annonçait en grande pompe qu'il allait «quitter Twitter » (en général cette contradiction n'étouffait pas nos aïeux), la nouvelle se propageait largement et vite dans l'agora. Les statistiques nous ont révélé que bien souvent, le message annonçant le départ de quelqu'un était celui qui avait suscité le plus grand intérêt dans sa production, ce qui est un autre paradoxe...
Parfois elle était fêtée et faisait même l’objet de commentaires hors de l’agora, dans ce qu’il restait encore de ce qu’on appelait la « presse mainstream ». Il s’agit là d’une pratique dont nous avons encore peine à comprendre pourquoi elle revêtait une telle puissance symbolique - il nous semble que commenter l’entrée de quelqu’un dans l’agora, plutôt que son départ, aurait été plus logique -, d’autant que, bien souvent, quelques mois plus tard, l’ancêtre parti avec fracas, revenait discrètement prendre sa place.