Détester l’Occident tout en étant totalement inféodés à la consommation des produits occidentaux - la schizophrénie des Russes atteint une perfection dans la démesure de leur dépendance à ces deux mamelles qui font le sel de leur existence. Le boycott des marques par les citoyens consommateurs, tel qu’on le rencontre périodiquement en Occident, est impensable ici ; il serait perçu comme une maladie mentale. Vous ne trouverez pas un seul zombie qui militerait pour la décroissance ou la limitation volontaire de la consommation personnelle pour protéger les ressources naturelles, limiter la souffrance animale ou réduire l’empreinte carbone. On vomit l’Occident et on bave devant ses produits avec un élan identique et une sincérité que l’on pourrait qualifier d’enfantine, tellement la contradiction, pourtant flagrante, entre ces deux positions reste dans l’angle mort de la plupart des Russes. La pensée double atteint des sommets dans ces tirades d’amour-haine qui pullulent sur les réseaux sociaux depuis que la Russie est sous le coup des sanctions économiques. Une certaine Lilia, femme au foyer d’une cinquantaine d’années, s’emporte : « Je pense qu’il serait grand temps d’occuper la Pologne, la République tchèque ! Afin qu’ils cessent de déclamer leurs conneries ! D’une façon ou d’une autre, la russophobie doit être extirpée du monde entier! Sans déc ! Nous ne souhaitons de mal à personne ! Pourquoi nous détestent-ils autant ? » Ainsi va la logique zombie : je salive à l’idée de dépecer l’Occident et je ne m’en cache pas, mais je ne comprends vraiment pas pourquoi on me traite de tous les noms, je n’ai pas mérité tant de médisance et ça me froisse.