Cependant les génies ne meurent pas et l’esprit du buffle était passé dans la petite sœur Sogolon Kondé qui vint au Niani avec les frères Traoré.
Le roi Naré Fa Magan les accueillit fort bien, récompensa à son tour ses valeureux chasseurs, et considéra sa future femme avec perplexité.
« Heureusement que ma première femme est jolie! se dit-il en lui-même. Celle-ci... bon! Puisque les oracles m’ont conseillé de l’épou- ser, je l’épouse. Pourvu qu’ils aient dit vrai ! »
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Donc mariage, musique, danses, réjouissances à Dakadialan le village-capitale.
Mais quand la nuit tomba et que le couple royal se retira dans la chambre nuptiale, la maigre Sogolon se transforma en buffle soufflant du feu par les naseaux ! Son époux sauta du lit pour se cacher derrière la porte.
Un jour, deux jours, toute la semaine ainsi se passa.
Naré Fa Magan consultait ses marabouts en vain. Le peuple murmurait, car il était d’usage que le lendemain des noces on montrât à la famille et au peuple le pagne de la mariée rougi par son sang de vierge.
Si on ne le montre pas, c’est que l’accouple- ment n’a pas eu lieu...
Alors le roi eut une idée. La septième nuit, lorsque Sogolon se coucha, il saisit soudain son sabre et attrapa sa femme par ses petites tresses :
– Sogolon, s’écria-t-il, mes ancêtres me sont apparus en rêve, et ils m’ordonnent de te sacri- fier pour le bonheur du royaume !
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La jeune fille eut si peur qu’elle s’évanouit. Elle n’avait pas eu le temps de se transformer en buffle. Le roi put enfin accomplir son devoir conjugal.
Le lendemain, on exhiba le petit pagne taché de sang.
Les tam-tams battirent longtemps dans les villages du Niani. Tout le monde vint féliciter le roi, et un mois plus tard on annonça que la reine boiteuse était enceinte.
Sogolon porta sa grossesse pendant longtemps. Certains racontent même qu’elle fut enceinte pendant dix-sept ans, mais c’est sûre- ment exagéré. D’autres disent que son bébé sor- tait de son ventre pour aller chercher du bois, ou pour se promener, puis retournait dormir dans son ventre, et refusait de naître normalement.
Ce qui est sûr, c’est que lorsqu’il se décida à sortir pour de bon, le ciel s’obscurcit en plein jour, le tonnerre gronda, les éclairs fulgurèrent et la pluie inonda la savane en pleine saison
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sèche. Les devins annoncèrent la naissance du roi du monde !
Les griots se mirent à chanter les éloges de Naré Fa Magan, heureux père de ce futur grand roi...
On fit les cérémonies de baptême, on rasa la tête du bébé et on lui donna un nom chanceux : Diata qui veut dire « lion », « roi de la savane », auquel on ajouta le nom de sa mère : Sogolon Diata, qu’on raccourcit plus tard en Soundiata.
Tout le village-capitale du Niani fut invité ce jour-là : on distribua des paniers de mil et de riz; on égorgea vingt bœufs, on distribua la viande grillée à tous les habitants, on but des calebasses de bière de mil et de vin de palme. Une belle fête au son des balafons6, des guitares, des petits tam-tams et l’on dansa jusqu’au matin.
Mais cette immense joie fut de courte durée.