Les romans les moins historiques sont, sans doute, les romans historiques, mensongers comme l’Histoire. C’est le roman tout court qui l’est, historique, il appartient à une certaine époque du seul fait d’y être né, authentique comme le meuble dont l’antiquaire dit : "Il est né comme ça." Pour un roman des temps passés, on voit, les yeux déjà ouverts sur la suite, dans le contexte de l’avenir, comment une époque est ouverture, préface, épigraphe à l’époque suivante. Et, peut-être, les écrits dont les événements moteurs sont à l’échelle humaine, vivent-ils plus longtemps que la matière dont ils sont faits : la langue, fragile, autrement périssable que ce qu’elle exprime. Si jamais la planète terre survivait avec tout son mobilier aux flots d’une sorte ou d’une autre et nos écrits parvenaient à des humains dans quelques millénaires, qu’est-ce que ceux-là y comprendraient ? A notre langage, à nos mœurs ? À la signification des mots ? Les mots, tels qu’ils sont là, signifieront peut-être autre chose ? Ou, le mot signifiant la même chose, c’est la chose qui aura changé de signification ? Je ferais mieux de compter en siècles, ou en décennies, ou en jours. Vive le journalisme ! Comptons avec la date de parution du journal. Pas de survie. Tant qu’ils sont encore là, mes romans sont des romans d’époque.