Aglaé regardait son père mourir. À la lueur d’une chandelle posée sur son chevet, petit meuble bas à tiroirs factices, il s’étiolait. Au milieu de son dernier lit de douleurs, il ne restait plus qu’une petite portion de lui. Il était maigre, sec comme du bois de chauffage. Dans la frénésie de son agonie, ses membres osseux soulevaient de proche en proche la surface des draps qui les entravaient, comme s’ils étaient animés d’une vie indépendante. Seule son énorme tête, posée sur un oreiller mouillé de sueur, surgissait du flot de tissu qui engloutissait les pauvres reliefs de son corps.
Lui qui avait porté de longs cheveux roux foncé, noués en catogan par un ruban de velours noir quand il s’endimanchait pour la sortir du couvent et la conduire au Jardin du Roi, le printemps venu, était chauve désormais. Le duvet blanc qui brillait au gré des brusques danses de la chandelle posée sur sa table de chevet ne cachait pas les grosses veines bleues courant sous la surface de la peau fine de son crâne.
À peine visibles sous la broussaille grise de ses sourcils, ses yeux bleus enfoncés dans leurs orbites devenaient vitreux. Ils s’éteignaient, et plus que toutes les autres marques de son agonie, cela était insupportable à Aglaé. Car les yeux de son père étaient sa vie.