Henri Barbusse, Le Feu - Scène d’assaut dans les tranchées

Dans cet extrait de son autobiographie Le Feu, Henri Barbusse se livre à une description très picturale et incarnée des tranchées de la guerre 1914-1918.

Henri Barbusse choisit, en 1914, de s’engager dans l’infanterie. Dans ce chapitre du Feu, récit de ses années dans les tranchées, l’auteur décrit un assaut : son escouade doit parvenir à la tranchée ennemie mais, pour cela, elle doit survivre à un tir d’artillerie1.


 Brusquement, devant nous, sur toute la largeur de la descente, de sombres flammes s'élancent en frappant l'air de détonations épouvantables. En ligne, de gauche à droite, des fusants sortent du ciel, des explosifs sortent de la terre. C'est un effroyable rideau qui nous sépare du monde, nous sépare du passé et de l'avenir. On s'arrête, plantés au sol, stupéfiés par la nuée2 soudaine qui tonne de toutes parts ; puis un effort simultané soulève notre masse et la rejette en avant, très vite. On trébuche, on se retient les uns aux autres, dans de grands flots de fumée. On voit, avec de stridents fracas et des cyclones de terre pulvérisée, vers le fond où nous nous précipitons pêle-mêle, s'ouvrir des cratères, çà et là, à côté les uns des autres, les uns dans les autres.

 Puis on ne sait plus où tombent les décharges. Des rafales se déchaînent si monstrueusement retentissantes qu'on se sent annihilé3 par le seul bruit de ces averses de tonnerre, de ces grandes étoiles de débris qui se forment en l'air. On voit, on sent passer près de sa tête des éclats avec leur cri de fer rouge dans l'eau. À un coup, je lâche mon fusil, tellement le souffle d'une explosion m'a brûlé les mains. Je le ramasse en chancelant et repars tête baissée dans la tempête à lueurs fauves, dans la pluie écrasante des laves, cinglé par des jets de poussière et de suie4. Les stridences des éclats qui passent vous font mal aux oreilles, vous frappent sur la nuque, vous traversent les tempes, et on ne peut retenir un cri lorsqu'on les subit. On a le cœur soulevé, tordu par l'odeur soufrée5. Les souffles de la mort nous poussent, nous soulèvent, nous balancent. On bondit ; on ne sait pas où on marche. Les yeux clignent, s'aveuglent et pleurent. Devant nous, la vue est obstruée par une avalanche fulgurante, qui tient toute la place.


1 Armes lourdes servant à envoyer, à grande distance sur l’ennemi, des projectiles de gros calibre

2 Sens propre : gros nuage. Sens figuré : multitude d’objets groupés en masse.

3 Annihilé : détruit, neutralisé

4 Substance noirâtre et grasse

5 Odeur soufrée : odeur de brûlé.

Henri Barbusse, Le Feu, 1916

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Résumé

Henri Barbusse décrit avec force détails un assaut dans les tranchées. D’abord les explosions, puis le sentiment de ne plus rien maîtriser. La solidarité des membres de l’escouade sous cette pluie de feu. La perte des repères et le mélange des sensations, qui mettent en lumière la vulnérabilité de l’homme face à l’Histoire, dans un récit éminemment pictural.
Œuvre : Le Feu
Auteur : Henri Barbusse
Parution : 1916
Siècle : XXe

Thèmes

tranchées, guerre, 1ere guerre mondiale, armée

Notions littéraires

Narration : 1re personne
Focalisation : Interne
Genre : Autobiographie, Récit de guerre
Dominante : Narratif, Descriptif
Registre : Épique, Lyrique
Notions : prose poétique, énumération, métaphore, hypotypose, valeurs du présent, présent de narration

Entrées des programmes

  • 3e - Agir sur le monde : agir dans la cité : individu et pouvoir - œuvre portant un regard sur l’histoire du XXe siècle
  • 2nde - Le roman et le récit du XVIIIe au XXIe siècle

Les figures de style et procédés d'écriture

  • personnification
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