Balzac, Le Père Goriot, portrait de Victorine Taillefer

Ce premier portrait de Victorine Taillefer, pensionnaire de la maison Vauquer, est construit en diptyque : la comparaison de la jeune fille avec un arbuste planté dans un mauvais terrain constitue le seuil entre la description de Victorine telle qu'elle est, et la vision de ce qu'elle aurait pu être. La visée typologique du portrait est claire : Victorine est le reflet de son milieu.

Deux figures y formaient un contraste frappant avec la masse des pensionnaires et des habitués. Quoique mademoiselle Victorine Taillefer eût une blancheur maladive semblable à celle des jeunes filles attaquées de chlorose, et qu'elle se rattachât à la souffrance générale qui faisait le fond de ce tableau par une tristesse habituelle, par une contenance gênée, par un air pauvre et grêle, néanmoins son visage n'était pas vieux, ses mouvements et sa voix étaient agiles. Ce jeune malheur ressemblait à un arbuste aux feuilles jaunies, franchement planté dans un terrain contraire. Sa physionomie roussâtre, ses cheveux d'un blond fauve, sa taille trop mince, exprimaient cette grâce que les poètes modernes trouvaient aux statuettes du Moyen Age. Ses yeux gris mélangés de noir exprimaient une douceur, une résignation chrétiennes. Ses vêtements simples, peu coûteux, trahissaient des formes jeunes. Elle était jolie par juxtaposition. Heureuse, elle eût été ravissante : le bonheur est la poésie des femmes, comme la toilette en est le fard. Si la joie d'un bal eût reflété ses teintes rosées sur ce visage pâle, si les douceurs d'une vie élégante eussent rempli, eussent vermillonné ces joues déjà légèrement creusées, si l'amour eût ranimé ces yeux tristes, Victorine aurait pu lutter avec les plus belles jeunes filles. Il lui manquait ce qui crée une seconde fois la femme, les chiffons et les billets doux.

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Résumé

Balzac ouvre la description de Victorine Taillefer par une longue énumération de ses défauts. Ils sont moins dus, selon le narrateur, à son physique qu'au milieu dans lequel elle évolue. Il imagine alors à quoi elle aurait ressemblé si elle avait été riche et heureuse...
Œuvre : Le Père Goriot
Auteur : Honoré de Balzac
Parution : 1834
Siècle : XIXe
Place de l'extrait dans l'œuvre : Partie I - Une pension bourgeoise

Thèmes

portrait, physique, beauté, jeunesse, déterminisme, typologie

Notions littéraires

Narration : 3e personne
Focalisation : Omnisciente
Genre : Roman
Dominante : Descriptif
Registre : Lyrique
Mouvement : Réalisme
Notions : comparaison, parallélisme, rythme ternaire, vocabulaire évaluatif, diptyque, expansions du nom, subordonnées hypothétiques

Entrées des programmes

  • 4e - Regarder le monde, inventer des mondes : la fiction pour interroger le réel - roman
  • 2nde - Le roman et le récit du XVIIIe au XXIe siècle
  • 1ere - Le roman et le récit du Moyen-Age au XXIe siècle

Les figures de style et procédés d'écriture

  • antithèse
  • onomastique
  • énumération
  • subordonnée de concession
  • comparaison
  • expansions du nom
  • pointe
  • présent de vérité générale ; sentence
  • antithèses + subordonnées hypothétiques

Textes et œuvres en prolongement

Hugo, Les Misérables, portrait de Cosette - Baudelaire, "L'idéal"